Médaillon en verre pressé teinté bleu
Ø: 25 cm
Blue-tinted pressed glass medallion
Ø: 25 cm
Cette oeuvre singulière et rare du sculpteur et verrier français Henri-Edouard Navarre (1885-1971), un médaillon mural en verre moulé, reproduisant un motif gravé en relief d’une monnaie antique, daté vers 1950.
Une excellente monographie sur Henri Navarre a été récemment publiée par l’historien d’art et collectionneur français Mardochée Franco, qui fait figure de référence dans l’étude de son oeuvre, et a permis d’en faire redécouvrir l’ampleur et l’originalité aux amateurs contemporains. (Ref : « Henri Navarre. Le Verre. La Terre. La Pierre. De l’Intime au Sacré. » par Mardochée Franco. Éditeur Schnoeck, 2024, 231 pages.) Pourtant commentée à l’époque de sa création, elle était néanmoins restée, jusqu’à aujourd’hui, assez mal connue et peu étudiée. Cette très complète publication vient donc fort heureusement combler une lacune.
Henri Navarre (1885-1971) fait partie des grands sculpteurs, verriers, céramistes et médailleurs du xxe siècle. Pour autant, aucun ouvrage de référence ne lui avait été jusqu'alors consacré. Alors que les oeuvres de ses contemporains comme Lalique, Marinot, Colotte ou Decorchemont , Mayodon ou Lenoble suscitent les faveurs de collectionneurs avisés, il a semblé opportun à Mardoché Franco de remettre en lumière le travail de l'artiste. Au cours de sa longue carrière, Navarre (membre de l'Institut) a façonné plus de mille vases et pièces de forme en verre, selon les techniques les plus innovantes, principalement à l'époque de " l'Art Déco ". Ses oeuvres figurent dans les plus prestigieuses institutions muséales dans le monde. Il a aussi participé à la décoration du paquebot Ile-de-France, avec des vases monumentaux, une fontaine et un Christ en verre que l'on peut encore admirer dans le clocher de l'église Sainte-Catherine de Honfleur. En tant que sculpteur, il a réalisé à Paris, deux métopes du palais de Chaillot et des sculptures de l'actuel musée de l'Immigration. Peu avant sa mort, Henri Navarre avait légué à la Ville de Chartres (Eure-et-Loir) son fonds d'atelier ainsi que de volumineuses archives inédites qui ont permis à l'auteur d'étayer le corpus scientifique de ce livre. L'oeuvre de Navarre ne pouvait trouver meilleur écrin que l'ancien palais épiscopal, au pied de Notre-Dame classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. A deux pas du Centre international du Vitrail, l'oeuvre en verre du « sculpteur de lumière » est ainsi entré en résonance et en compagnonnage avec les maîtres médiévaux de l'art du feu.
Orfèvre, verrier, graveur en médailles et sculpteur Henri Navarre est un artiste complet. Il est né à Paris le 4 avril 1885. Sculpteur sur bois dès 1902, à l'École Bernard Palissy, puis ciseleur, orfèvre, ouvrier d'art en 1905, il est reçu à l'École Supérieure Nationale des beaux-arts, dont il s'écarte pour ensuite rechercher un enseignement plus technique au Conservatoire des Arts et Métiers. Il y étudie le vitrail et la mosaïque. De 1906 à 1911, il pratique la taille de la pierre sur des façades d'immeubles, modèle de grandes figures en terre cuite. En 1924, il réalise les sculptures et verrières de « l'Intransigeant » et en 1938 un grand vase pour le Pavillon de France à l'Exposition de New York. Henri Navarre a été sociétaire du Salon d'Automne et de la Société des Artistes Décorateurs dont il était vice-président, il fut également membre du Jury de l'École Supérieure Nationale des beaux-arts, du concours de Rome du Conseil supérieur de l'Enseignement des beaux-arts. Il a cété nommé Officier de la Légion d'honneur en 1947. Henri Navarre a crée ses sculptures en verre, non point taillées mais estampées, telles des céramiques dans le moule. En jouant de toutes les incidences créées par la matière fluide, vivante, il obtenait ainsi des zones brillantes, des éclats de transparence ou d’autres fois une matité rugueuse qui font de chacun de ses masques, de ses torses et en particulier du grand Christ de l'Ile de France une oeuvre dans laquelle la pâte de verre et le feu collaborent intimement avec la volonté créatrice de l’artiste.
Je vous présente aujourd’hui à la vente un étonnant grand médaillon en verre Pyrex moulé dans une tonalité de bleu, qui est un projet d’étude pour l’un de ses chantiers parmi les plus réussis de sa carrière : un Portique des Monnaies conçu pour décorer l’entrée de la galerie de La Monnaie de Paris. Un projet comme celui-
ci permet de penser que le verrier Henri Navarre pensait ses créations en architecte. Ce Portique, daté de 1950, est composé de seize médaillons doublés en épaisseur d'un fond carré, en verre Pyrex® moulé vert bouteille (40 x 40 cm), inspirés pour chacun d'eux par l'effigie de monnaies de l'Antiquité à l'Empire napoléonien. L'ensemble composait une arche qui habillait le magasin de la Monnaie de Paris, situé 10, rue du Quatre-Septembre, dans le 2ème Arrondissement. Jacques Dumont (1906-1988) en était l’architecte-décorateur. Les médaillons sont aujourd’hui conservés dans la collection de la Monnaie de Paris.
Mardochée Franco décrit ainsi le projet du Portique : « les locaux sont d'une grande sobriété. Un travertin couleur sable tapisse la façade, structurée par les encadrements de marbre noir des vitrines presque carrées et de la porte d’entrée. Celle-ci a été conçue par Henri Navarre comme un manifeste à l'histoire (de l’art) en général et à son histoire personnelle. En seize carreaux de verre Pyrex®, courant autour de l'ébrasement, l'artiste résume quatre millénaires de passions humaines, caracolant au grand galop des Empires grecs et romains à celui de Napoléon, en passant par la Gaule, la Renaissance et le Roi-Soleil. Idée lumineuse qui a consisté à agrandir des médailles à la dimension de ces carreaux de 40 cm de côté. Ils sont la meilleure entrée en matière qui soit à ce temple de l'art en miniature. L'intérieur, tout en stuc ivoire est rythmé par les médailliers insérés dans les murs derrière le grand comptoir de chêne. Onze meubles étroits, s'éclairant automatiquement à l'ouverture, renferment au total 1 000 petits tiroirs d'une capacité de 6 kg de médailles chacun, soit six tonnes de monnaies et médailles, fruits de l'inspiration de centaines, voire de milliers d'artistes. Deux fauteuils au coq, tapisseries d'Aubusson vertes et noires, sur un carton de Jean Lurçat, sont les seuls éléments colorés de l’endroit. (…) Ce décor cohérent, aujourd'hui disparu, est le premier de style années cinquante auquel Navarre participe après la guerre. Il a 65 ans et y a apporté tout son soin, toute son énergie, car cette réalisation résume sa vie d'homme et d'artiste : une œuvre en verre, élément structurant d'une architecture et mettant en scène ce pourquoi il a commencé sa vie un demi-siècle auparavant, la gravure. Les passants qui ont connu cette boutique de la Monnaie se souviennent de ce contact charnel avec les formes de Navarre et cette pénétration dans l'histoire. La plongée dans le feu connaissait son apogée, la nuit, quand un astucieux éclairage faisait irradier ces seize carreaux d'une lumière incandescente ».
Le grand médaillon en verre bleu proposé aujourd’hui (agrandissement d’une monnaie, copie en creux, technique de taille directe en matériau réfractaire - le Pyrex - propre au travail du verre à 1000 degrés) constitue un essai pour ce Portique, avec une variante de coloration et de dimension (diamètre 25 cm). La monnaie représentée (un cavalier sur son cheval) ne l’est pas dans le projet final. Elle est à rapprocher d’une Monnaie de Syracuse, présente dans le Portique.
Deux exemplaires de ces médaillons du Portique, proche du nôtre sans être identiques, se trouvent dans les collections du musée des Beaux-Arts de Chartres (donation Navarre 1971) :
- Une Monnaie de Syracuse, vie siècle av. J-C, illustrée de trois figures de chevaux près d'une colonne, dénommée Char du soleil par l'artiste, 46 × 46 x 10 cm, monogramme en bas, à gauche ; inv. 89_02_13-MBAC
- Une Monnaie gauloise dénommée Cheval marin Armoricain et parisii, statère d'or, avant l'époque romaine, 1er siècle après J.-C., illustrée d'une figure de cheval marin stylisée, 46 × 46 x 9 cm, monogramme en bas, à droite, inv. 89_02_14-MBAC.
Un médaillon absolument identique de motif, mais d’une coloration plus sombre et de format carré, est conservé dans la collection privée de Mardochée Franco, à Paris. (Reproduit en pleine page couleur dans sa monographie de référence, déjà citée).