André Tommasini 1931-2011

"Abstrait N° 65"

Sculpture en marbre rose
H: 35 cm

Pink marble sculpture
H: 35 cm

La sculpture contemporaine que je vous propose enfin, pour conclure cette Newsletter d’octobre, est un beau marbre rose (h.35 cm) aux lignes abstraites très biomorphiques, admirablement polies par le sculpteur vaudois André Tommasini (1931 - 2011).

«Abstrait 65» est une sculpture harmonieuse taillée dans un étonnant marbre portugais d’un rose puissant, très uniforme, sans veine, qu’on ne résiste pas à caresser tant il évoque la chair. Certaines œuvres de cette période font partie d’une série que l’artiste nommait ses «paysages féminins». Héritier d’une

entreprise de marbrerie funéraire, André Tommasini a continué l’entreprise familiale tout en s’adonnant à la sculpture contemporaine abstraite, dans différents formats, parfois monumentaux. Il a consacré toute sa vie à la sculpture en taille directe. Les propos de l’artiste sur son œuvre nous renseignent parfaitement sur ses intentions artistiques et sa manière d’envisager l’art de sculpter : « C’est le résultat — écrit-il — d’une recherche intérieure au sujet de la forme qui m’a amené à ces œuvres extrêmement polies, finies. La sculpture que je pratique ne permet aucun avachissement de la forme, nulle part. Il faut que la tension intérieure atteigne un point d’équilibre avec lequel il est impossible de tricher. Il faut que la lumière cir- cule doucement, sans agressivité, autour des formes, sur les volumes, qu’elle ne soit jamais brutalement arrêtée. On dit que mes sculptures sont féminines, sensuelles. C’est vrai, mais je voudrais d’abord qu’elles soient la rigueur d’une sensualité. La vraie plénitude à mes yeux, c’est la plénitude faite de retenue. J’élimine les 

accidents de la matière, le superflu, le séduisant. C’est le seul moyen de parvenir à la tension des formes. C’est pour cela que j’ai poussé très loin la technique, je ne veux pas qu’il y ait du pittoresque dans l’exécution. Pas d’accrochage facile, pas de coup d’œil, rien, tout doit être dépouillé. La forme polie et repolie se révèle peu à peu dans sa nudité, sa plus grande densité. J’aime aussi la retenue de la forme qui concentre sa force intérieure avant qu’elle n’explose. Le volume visible engendre la forme invisible. »

Son style sculptural est celui d’une alliance instinctive et douce entre l’organique et le géométrique. Certaines de ses œuvres font penser à Hans Arp ou bien encore à la période surréaliste d’Alberto Giacometti. Familier du dialogue avec l’architecture, il fut à l’aise dans le vocabulaire monumental de son époque, dans une certaine affinité de pensée avec ses confrères André Rouiller ou Henri Presset, qui eux maniaient le métal ou le bronze. Le langage de Tommasini est plus sensuel. Une première grande rétrospective de son œuvre eut lieu à la fondation Gianadda de Martigny en 1997, qui s’intitulait justement « La volupté faite marbre »...

Le MCBA de Lausanne a reçu en 2023 une donation d’un ensemble de 34 sculptures, dessins et maquettes d’André Tommasini, suite au décès de son épouse Suzanne Tommasini-Wyssbrod en 2022. Le musée possédait déjà plusieurs sculptures de cet artiste, dont on peut voir de très nombreuses commandes publiques monumentales, en marbre, en pierre — et quelquefois même en acier Corten — principalement dans le canton de Vaud.