Bronze à patine brune rehaussé d'or, signé à l'arrière, cachet du fondeur Clementi sur le fond
H: 20,5 cm Long: 21 cm
Brown patina partially gilded bronze, signed on the back, foundry mark Clementi underneath
H: 20,5 cm Length: 21 cm
Célèbre pour ses sculptures, ses décors de vitrines et de cinéma, Janine Janet (1913-2000) s’illustre sur la scène artistique parisienne, dès les années 40, en créant des modèles de textiles pour Pierre Frey, des bijoux pour Arthus-Bertrand, des pièces d’argenterie pour Christofle (alors dirigé par le décorateur Jean-Charles Moreux)… Dans l’après-guerre, elle est vite repérée pour ses talents d’artiste-décoratrice, au goût onirique et baroque. Elle conçoit notamment au cours des années 50 à 70 des décors peuplés de figures mythologiques, où motifs et matériaux sont empruntés à la nature (son enfance à l’île de la Réunion a développé chez elle un imaginaire baroque oui se mélangent nacre, madrépores, coquillages, écorces et pierres diverses). Sa formation classique, aux Beaux-Arts de Toulouse, puis de Paris, lui procure une excellente maîtrise des techniques plastiques, celles des tabletiers, des relieurs, des mosaïstes ou des rocailleurs, dans la grande tradition des arts décoratifs français du Grand Siècle. Elle va ainsi créer des naïades, des faunes, des licornes ou des sphinges, tout un univers féérique qui séduira les plus grandes maisons de luxe françaises, pour décorer leurs vitrines. Elle répond à des commande sculpturales (parfois éphémères) pour Nina Ricci, Balenciaga, Givenchy, Hermès, Dior, Lanvin, Balmain, Christofle, Haviland, Roger&Gallet, parmi d’autres… Janine Janet fait également de nombreuses décorations intérieures pour les demeures de grands industriels et amateurs d’art de son époque, parmi lesquels la mécène Francine Weisweiller, le prince Ali Khan, le magnat de la presse Robert Maxwell, l’industriel de l’aéronautique Paul-Louis Weiller, le bijoutier Pierre Arpels, la danseuse Ludmilla Tcherina, l’acteur Jean Marais… Au cours des années 80, elle apporte des contributions à certaines réalisations de grands décorateurs de la Jet-Set, tels Alberto Pinto ou Alain Demachy. Son palmarès créatif est particulièrement étendu et représentatif d’une période décorative où l’onirisme régnait en maître dans une certaine société cosmopolite et parisienne. Janine Janet fut proche notamment de Christian Bérard et de Jean Cocteau. Elle réalisera d’ailleurs pour ce dernier, en 1959, les costumes , masques et sculptures de son film « Le Testament d’Orphée », qui peut être perçu à postériori comme un concentré de l’air du temps de cet après-guerre, tant il y eut dans ce film de contributions prestigieuses. Grâce à un legs du couple Janet (son mari était peintre), le Musée des Arts Décoratifs à Paris conserve et expose aujourd’hui de nombreuses créations de cette artiste (notamment deux magnifiques sculptures, « Le Roi » et « La Reine », en bois parsemé de clous, réalisées à l’origine pour des vitrine de Balenciaga, en 1959).
Parmi les rares bronzes connus de Janine Janet, on peut citer une magnifique paire de sphinges conçue pour le jardin de l’hôtel particulier parisien d’Hubert de Givenchy (1956) ; une « Odalisque aux mains jointes » et une « Odalisque à la conque » formant paire en bronze doré, pour Helena Rubinstein (1959) ; une Tête d’Actéon - un bronze à la cire perdu, donc unique - réalisé en 1964 pour Balenciaga ; une grande « Vénus » réalisée pour le paquebot Queen Elizabeth II en 1968… Mais son oeuvre en bronze la plus connue reste sans doute le grand « Cerf couché » offert par Cristobal Balenciaga à Hubert de Givenchy en 1964, dont une version fut acquise par Jean Marais, et une autre encore, conservée depuis 1967 au Musée de la Chasse et de la Nature, provenant de la collection des époux Sommer qui constituèrent ce musée. Janine Janet a fait l’objet de deux rétrospectives dans ce beau musée parisien au coeur du Marais : la première en 1972 (« Le jardin de Janine Janet »), la deuxième en 2003 («Janine Janet. Métamorphoses »). Un livre a été publié à cette seconde occasion, aux éditions Norma, qui assure sa redécouverte et sa postérité auprès des nouvelles générations.
Cette « Sphinge » en bronze doré que je vous propose aujourd’hui à la vente, d’une collection particulière, est une fonte de grande qualité du fondeur parisien Clémenti, installé à Meudon. Janine Janet s’est vraisemblablement inspirée des huit sphinges en pierre réalisées pour la terrasse du Pavillon Royal à Marly par deux artistes français du siècle de Louis XIV, Nicolas Coustou (1658-1733) et Jean Hardy (1653-1737). Ces modèles très célèbres ont ensuite été reproduits à différentes échelles, au cours du XIXème siècle. Un ensemble de deux dessins de Janine Janet représente des sphinges très comparables pour une vitrine de la maison de couture Givenchy réalisée en 1956, ce qui permet de dater très probablement le bronze de cette même date, et pour le même destinataire. Il est difficile de savoir combien d’exemplaires ont été tirés de ce modèle. Une version en paires a été reproduite dans la publication du Musée de la Chasse en 2003, en double page centrale (p.70-71). Janine Janet a par ailleurs dessiné une autre sphinge en bronze, plus petite (H. 14 cm) formant presse-papier, tirée en bronze sur un socle en marbre d’Alep. On connait d’elle enfin- sous la forme de trois dessins au feutre et d’un croquis au crayon, plus cinq photographies de sculptures en plâtre - un projet de « sphinge-présentoir » dont on ne sait pas s’il a fait l’objet d’un tirage en bronze.